L’agriculture biologique au Maroc

L’agriculture biologique est en pleine expansion au Maroc. À fin 2021, la filière enregistre une superficie cultivée de 18.000 hectares et plus de 650 opérateurs.

Le Maroc connaît depuis quelques années un essor de l’agriculture biologique, grâce à une forte demande locale et, surtout, à l’export. En effet, la production dépasse annuellement les 130.000 tonnes, contre un volume expédié de 14.000 tonnes par an.

Slim Kabbaj, président de l’interprofession Maroc Bio, interviewé par Médias24, explique « qu’au Maroc, les premiers agriculteurs ont commencé à certifier avec le label bio français (AB) à la fin des années 1980 afin d’exporter vers l’Europe”. “Cette règlementation est apparue dans les années 1980, tandis que la loi marocaine, elle, a vu le jour en 2012, année durant laquelle la loi 39-12 (relative à la production biologique des produits agricoles et aquatiques, ndlr) a été publiée au Bulletin officiel. Celle-ci a ensuite été suivie par les décrets d’application, sur l’agriculture, l’élevage, l’aquaculture, la transformation, la distribution et le logo bio national, entre autres.”

“Ce label Bio signifie clairement que le produit a respecté un cahier des charges précis, depuis les semences jusqu’à la production, depuis le produit de base jusqu’au produit transformé et valorisé, puis distribué et/ou exporté. C’est la garantie formelle que dans le produit mis sur le marché, il n’y a pas de produits chimiques nocifs pour la santé et l’environnement. Cette agriculture et ce label sont donc encadrés par un arsenal juridique, à l’image des textes en Europe et ailleurs dans le monde, dans le but de créer une identification et de conférer à ces produits une certaine crédibilité auprès des consommateurs, et ainsi mettre en place un marché transparent et durable d’offre et de demande”.

Depuis, le secteur continue d’évoluer. Selon Slim Kabbaj, il compte plus de 650 opérateurs en 2022. “Les estimations actuelles avancent la fourchette d’environ 650 à 700 opérateurs au Maroc, sachant que les chiffres évoluent rapidement en raison de l’arrivée régulière de nouveaux entrants, mais aussi en raison du retrait de ceux qui, de façon temporaire ou définitive, arrêtent le bio.” Un travail est réalisé sur le terrain afin de rallier d’autres acteurs à l’interprofession Maroc Bio, deuxième organisme jouant un rôle primordial dans le secteur.

“Le travail de ralliement à cette interprofession va se poursuivre auprès des entreprises et coopératives certifiées, et des associations régionales qui respectent les conditions d’intégration dans l’interprofession”, précise Slim Kabbaj. “Ce travail est effectué en partenariat avec le ministère de l’Agriculture, qui va intervenir au cours du processus en vérifiant la représentativité, conformément à la loi 3-12 relative aux interprofessions agricoles et halieutiques.”

M. Kabbaj explique l’organisation de ce secteur. “L’agriculture biologique est sous la tutelle du ministère de l’Agriculture, avec comme pilote, la Direction du développement des filières de production (DDFP). Cette direction a pour mission notamment d’agréer les organismes de certification, mais aussi de mettre à jour la réglementation nationale et de rechercher les équivalences avec les réglementations étrangères. Les informations sur les opérateurs nationaux (agriculteurs, éleveurs, transformateurs, distributeurs, exportateurs) sont collectées par le ministère de l’Agriculture. Ces indicateurs sont ensuite suivis par les certificateurs, qui délivrent les certificats et les mettent à jour annuellement.”

En second lieu se trouve “Maroc Bio, en tant que représentant unique des professionnels, et dont le processus de restructuration a été concrétisé par l’assemblée générale élective de juin 2022, avec un bureau et un conseil d’administration, constitués en parité de représentants de l’amont et de l’aval, de différentes régions”.

Un contrat-programme 2023-2030 dans le pipe

“La loi 03-12 encadre l’ensemble des processus concernant la mise en place d’une interprofession. Il n’est donc pas possible de changer les règles du jeu et d’y introduire de l’arbitraire, que ce soit au niveau national ou régional.”

“Pareillement, la loi 39-12 empêche la confusion entre les divers types d’agriculture ou les différents labels. Ces conditions, maintenant qu’elles sont mises en place dans le secteur, devraient donner lieu à un contrat-programme 2023-2030 dans le cadre du plan Génération Green, dont nous attendons la signature avec confiance et quelque peu d’impatience.”

D’après Slim Kabbaj, “l’élaboration de ce contrat-programme a été fondée sur les bilans de l’agriculture nationale, du constat suite au plan Maroc Vert en bio, afin de déterminer les axes à développer”.

“Secteur privé et secteur public ont travaillé pendant plus de deux ans pour élaborer un document qui concerne toutes les populations de la filière – agriculteurs, éleveurs, transformateurs et valorisateurs, distributeurs et exportateurs. Il concerne également les consommateurs, le développement du marché national et la mise à jour de la réglementation.”

“Ce contrat-programme comporte bien évidemment un ensemble de mesures de soutien, l’appui à la formation et à la recherche, la création d’une classe moyenne dans le monde rural et le soutien aux jeunes créateurs.”

“Un objectif de référence important est une surface d’agriculture biologique de 100.000 hectares en 2030. Cette ambition forte pour notre pays veut donc faire de cette niche un secteur économique à part entière et, à terme, donner la meilleure accessibilité au bio.”

En 2030, toutes les régions du Maroc seront concernées par le bio

Concernant la production, “l’année de référence 2019 montre une superficie d’agriculture biologique de 12.000 hectares sur tout le territoire, d’après la DDFP. En 2021, une évaluation rapide faisait état de 18.000 hectares”, selon le président de la Maroc Bio, qui rappelle que “le contrat-programme du plan Maroc Vert 2010-2020 espérait 40.000 hectares à l’horizon 2020”, chose qui n’a donc pas été réalisée.

“Les six principales régions de production sont Marrakech-Safi, Fès-Meknès, Rabat-Salé-Kénitra, Drâa- Tafilalet, Casablanca-Settat et Souss-Massa. Néanmoins, les chiffres évoluent d’année en année. Nous estimons que d’ici 2030, toutes les régions du Maroc seront concernées.”

M. Kabbaj note toutefois que “ce sont les opérateurs privés qui sont d’abord concernés sur le terrain. En fonction du dynamisme et de l’intérêt des professionnels, les régions avanceront plus ou moins vite dans la filière. Les mesures d’accompagnement du contrat-programme représenteront sans doute aussi des incitations significatives”.

Quid des principaux produits cultivés ? “Jusqu’en 2021, les cultures principales étaient constituées de maraîchages, d’arbres fruitiers, d’agrumes, d’oliviers et de plantes aromatiques et médicinales (PAM). Nous prévoyons des évolutions dans les années à venir, avec plus de PAM cultivées, de caroubier, de légumineuses et d’amandier.”

“La complexité sur ce point provient des changements susceptibles d’intervenir en fonction de l’impact des changements climatiques, de la disponibilité de l’eau et des besoins des marchés locaux et internationaux. De ce point de vue, le travail sur la promotion et la communication, ainsi que la recherche de nouveaux débouchés, est essentiel. Nous serons également amenés à créer des produits à valeur ajoutée, à développer des produits made in Morocco et à faire des différenciations innovantes dans les produits.”

L’Europe, principal marché d’exportation

“Les fournisseurs dans le secteur sont variés. Il s’agit notamment de propriétaires de fermes de surface moyenne et de grands exploitants. Par rapport à l’agriculture conventionnelle, il y a en plus une population constituée de militants pour des produits sains et respectueux de l’environnement, d’acteurs écologiques et d’humanistes convaincus de la préservation des sols et du soutien aux petits agriculteurs.”

“Au niveau de la transformation, des entreprises et des coopératives innovantes créent des gammes de produits à valeur ajoutée. Parmi les créateurs, il y a des médecins, des pharmaciens, des biologistes, des enseignants reconvertis, des managers et des spécialistes du marketing, qui apportent avec eux une grande créativité, un savoir-faire technologique et une connaissance des cahiers des charges. Ces mutations sont prometteuses pour le devenir de notre agriculture.”

Pour ce qui est des “principaux marchés d’exportation, il s’agit de l’Europe, notamment l’Espagne, la France, l’Allemagne et la Grande-Bretagne. Certains exportateurs ont même réussi à exporter sur d’autres continents, notamment des produits originaux et très consommés : le thé et les infusions, la spiruline, des huiles spécifiques et les cosmétiques”.

Comment se fait le contrôle de la certification des produits biologiques ?

« Deux types de contrôle – institutionnel et réglementaire – régissent la filière :
– La première grande responsabilité de l’ensemble du secteur agroalimentaire revient à l’Office national de sécurité sanitaire des produits alimentaires (ONSSA), dont le contrôle est effectué sur les marchés et les points de vente. L’ONSSA a pour mission de vérifier la conformité avec les lois, en l’occurrence la loi 39-12, et de contrôler les importations pour le bioLes exportations sont suivies par l’organisme public Morocco Foodex ;

– La seconde responsabilité revient aux certificateurs par le biais de l’Organisme de contrôle et de certification (OCC), en particulier la société CCPB (en pleine croissance au Maroc) et la société Ecocert, qui octroient la certification nationale et internationale. Chaque certification de gamme de produit donne lieu à un numéro sur le logo Bio Maroc, qui peut permettre un contrôle a posteriori : dans les points de vente, chez les transformateurs ou au niveau de la distribution. »

Par ailleurs, “il arrive régulièrement que les opérateurs tirent la sonnette d’alarme eux-mêmes quand il y a évidence de produits de contrefaçon ou de contrebande, distribués par des personnes malhonnêtes, guidées par une volonté de concurrence déloyale et qui font prendre des risques aux consommateurs. En tant qu’interprofession, nous faisons appel à la vigilance des consommateurs et mettons en garde contre les produits sur les marchés non contrôlés, ceux sans étiquetage ou sans certificat, et sans le label Bio Maroc réglementaire. La recherche du meilleur prix ne doit pas occulter la certification réglementaire, avec des prix du bio naturellement plus chers que les produits conventionnels”.

Les contraintes pour le secteur et les solutions pour l’améliorer

“L’agriculture conventionnelle telle qu’elle existe depuis l’avant-indépendance a donné lieu à de multiples subventions et programmes de formation par les gouvernements. Elle a permis de mettre en place des circuits de distribution et des réseaux de magasins, et a forcé le goût des consommateurs.”

“Créer une nouvelle agriculture, même si elle est proche du savoir de l’agriculture ‘paysanne’, nécessite de multiples initiatives de la part de l’agriculteur et du secteur privé, qui doit investir sur l’avenir, être sensible à la santé, au respect de la nature, à la préservation de la biodiversité et à la création d’emplois dans les campagnes, etc.”

“Pour une agriculture durable, la logique de rentabilité ne devrait pas être la seule préoccupation dans le processus de création de richesse”, conclut Slim Kabbaj.

Source : Médias24

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