Le spectre de la sécheresse pèse à nouveau sur la campagne agricole. Après un démarrage difficile à cause des pluies, les exploitants espéraient des jours meilleurs avec le volume important des précipitations ayant marqué le Royaume au cours du mois de décembre dernier.
Les agriculteurs ont mené une course contre la montre pour rattraper leur retard à travers l’activation des travaux du sol et des semis. Mais c’était compter sans la rareté des pluies au cours de janvier 2022 : les trois premières semaines de ce mois ont accusé un déficit hydrique de plus de 80% par rapport à l’année dernière et 60% comparativement à une saison normale. Conséquence : de sérieux risques pèsent sur la saison agricole actuelle, les paysans redoutant le scénario de la saison 2019/2020. Pour le moment, le ministère de l’Agriculture ne s’est pas prononcé sur le sujet, même si des inquiétudes ont été nettement formulées par des agriculteurs sur les réseaux sociaux, et ce dans les différentes régions agricoles du Royaume.
«Il est encore tôt pour parler d’une saison compromise. Certes, la sécheresse qui a sévi au cours du mois de janvier aura un effet important sur la campagne, mais avec l’arrivée de la pluie au cours des prochaines semaines, il faut s’attendre à un redressement de la situation. Dans tous les cas de figure, il ne faut pas s’attendre à une bonne saison comme l’année dernière. Dans le meilleurs des scénarios, on aura une campagne assez moyenne, encore faut-il que les conditions climatiques favorables soient au rendez vous», souligne Abderrahim Mouhajir, ingénieur agronome. Il rappelle que «les cultures ont été impactées non seulement par la sécheresse, mais également par la vague de froid qui sévit actuellement et qui perturbe la poussée des plantes».
Habitués à ce genre de phénomène, les agriculteurs ont accumulé assez d’expérience en matière de cohabitation avec la sécheresse, surtout avec l’alternance des années pluvieuses et des années sèches.
L’effet de l’absence des pluies se fait sentir à plusieurs niveaux. Dans les terres bours, les exploitants ont différé ou réduit l’utilisation des produits phytosanitaires. «L’utilisation des pesticides et des insecticides ne donne pas l’effet escompté en l’absence d’eau. Pour qu’ils soient efficaces, ils doivent être dilués et absorbés par le sol pour s’attaquer aux différents parasites. Ces éléments ont un effet évident sur le rendement des cultures», témoigne Haj Ahmed, agriculteur de la région d’El Hajeb.
Selon lui, «l’absence des pluies a poussé plusieurs agriculteurs à ne pas investir dans les cultures printanières, préférant réserver leurs parcelles aux parcours naturels pour le cheptel».
«Face à la flambée des prix des aliments de bétail, les éleveurs privilégient cette option qui s’avère plus pratique et moins coûteuse que de s’engager dans un investissement à risque», ajoute Haj Ahmed. Cette évolution défavorable de la campagne agricole s’est répercutée automatiquement et rapidement sur le marché de bétail. Depuis quelques jours, les négociants et les éleveurs ont constaté des baisses de prix progressives.
Anticipant une détérioration de la situation, certains exploitants préfèrent écouler ou réduire leur troupeau pour ne pas supporter d’éventuelles charges excessives.
Le taux de remplissage des barrages à 34%
Les réserves en eau des barrages ont atteint, au 21 janvier 2022, 5,47 milliards de m3, soit un taux de remplissage de 34% contre 45% au cours de la même période de l’année dernière. Cette situation risque de s’alourdir davantage si la sécheresse perdure. Certains grands ouvrages affichent une situation très critique, à l’image d’Al Massira sur l’oued Oum Errabi (le deuxième plus grand ouvrage du Royaume en termes de capacité de stockage), avec un taux de 6,9% seulement. Bin El Ouidane, le troisième barrage du pays, pointe à 14,3%, Abdelmoumen est à 4,6%, soit le seuil de tarissement. De sérieux risques pèsent sur les régions agricoles alimentées par ces ouvrages, notamment Tadla, El Haouz, Doukkala et Souss.
Source : fnh (Finances News Hebdo)