Validé ce mercredi 4 novembre 2020 au Sénat, le projet de loi réintroduisant les néonicotinoïdes peut être promulgué. Les betteraviers disposeront jusqu’en 2023 de cet insecticide décrié mais efficace contre les attaques de pucerons.
Les sénateurs ont validé mercredi 4 novembre le projet de réintroduction des néonicotinoides, ultime étape avant la promulgation de la loi. Malgré l’opposition des écologistes qui présentent cet insecticide comme un « tueur d’abeilles », les betteraviers français vont désormais pouvoir le réutiliser (il avait été interdit en 2018) jusqu’en 2023, à titre dérogatoire. Le ministre de l’Agriculture, Julien Denormandie, s’y était engagé pour juguler la « jaunisse » de la betterave, maladie transmise par les pucerons, et maintenir la compétitivité de la filière sucrière française (21 sucreries, 46 000 emplois directs).
Importantes pertes de rendement
C’est trop tard pour sauver la récolte 2020-2021, commencée en septembre et qui se termine à la fin de l’année. Les 25 000 betteraviers français enregistrent d’importantes pertes de rendement. « La baisse moyenne devrait se situer entre -17 et – 25 % », prévoit Thimothé Masson, économiste à la Confédération générale des planteurs de betteraves (CGB).
Le syndicat betteravier pronostique un rendement de 66 tonnes de betteraves par hectare contre une moyenne quinquennale de 88 tonnes. Soit moins de 30 millions de tonnes de betteraves. « Il faut remonter à 2021 pour trouver une récolte aussi médiocre ». La faute un peu à la sécheresse estivale mais surtout à la jaunisse provoquée par les pucerons.
« Prix divisés par deux en dix ans »
Les leaders français, Tereos (Beghin Say) et Cristal Union (Daddy), qui annoncent leur retour aux bénéfices cette année, vont avoir du mal à saturer tous leurs outils de production en France.
Cristal Union prévoit une campagne de 80 jours au lieu de 120 dans ses deux sucreries du sud parisien où sévit le plus la jaunisse. « La production française de sucre devrait avoisiner 4 millions de tonnes au lieu de 5,4. Les Européens vont apporter du sucre ».
Anticipant un déficit de production au niveau mondial, les sucriers misent sur des cours orientés à la hausse. Autour de 380 à 400 € la tonne en Europe, « le seuil minimum pour que la filière gagne de l’argent ». Mais au niveau mondial, les cours sont encore peu rentables pour les Européens, sauf exceptions (Suisse, Norvège ou Israël). « 75 % de la récolte française de betterave servira à produire du sucre dont 71 % pour le marché européen. Et 25 % iront à l’alcool et l’éthanol ».
Éthanol, débouché fondamental
Ce dernier débouché est « fondamental » pour la filière car la consommation de sucre diminue en Europe. Mais les confinements malmènent les cours de l’hectolitre du « carburant vert ». La fabrication d’alcool pharmaceutique et de gel hydroalcoolique a, en partie, compensé l’activité perdue sur l’éthanol.
Suffisant pour maintenir 425 000 hectares de betteraves en France ? Les betteraviers, qui en cultivaient encore 485 000 ha en 2017 avant la fin des quotas, sont contraints à des rendements élevés pour rentabiliser la culture.