Mostafa Terrab, Président et directeur général du groupe OCP a été interviewer par Harvard Business School. L’entretien a été fait dans le cadre du projet « Creating Emerging Markets », qui fournit une ressource unique en matière de recherche et d’enseignement sur le leadership des entreprises en Afrique, en Asie, en Amérique latine et au Moyen-Orient au cours des dernières décennies. Les entretiens sont menés par des professeurs de Harvard avec des leaders du monde des affaires et des entreprises sociales à fort impact.
Né à Fès, en 1955. Diplôme d’ingénieur (1979), École nationale des ponts et chaussées, Paris, France ; maîtrise en ingénierie (1982), doctorat en recherche opérationnelle (1990), Massachusetts Institute of Technology (MIT).
Mostafa Terrab est président-directeur général du groupe OCP, l’un des principaux exploitants miniers et producteurs d’engrais à base de phosphate au monde. L’OCP est le gardien de l’approvisionnement inégalé en phosphate du pays, qui représente environ 75 % des réserves mondiales. M. Terrab commence l’entretien en évoquant son enfance et son éducation au Maroc, où il a fréquenté des écoles françaises avant d’obtenir un diplôme d’ingénieur à l’École nationale des ponts et chaussées de Paris. Il a poursuivi ses études au Massachusetts Institute of Technology (MIT), où il a obtenu un M.S. en 1982 avant de passer son doctorat en recherche opérationnelle en 1990. Outre les diplômes qu’il a obtenus aux États-Unis, M. Terrab a travaillé pour Bechtel Corporation à San Francisco et a été membre du corps enseignant du Rensselaer Polytechnic Institute à Troy, dans l’État de New York. M. Terrab est ensuite retourné au Maroc où, en 1994, il est devenu conseiller junior au sein du cabinet royal du roi Hassan II. Il a également été secrétaire général du Sommet économique Moyen-Orient/Afrique du Nord, une initiative organisée au Maroc qui visait à consolider la paix au Moyen-Orient par le biais d’une série de conférences axées sur la coopération économique et l’investissement.
En 1998, M. Terrab est devenu directeur général de l’Agence nationale de réglementation des télécommunications (ANRT) du Maroc. Il raconte qu’au cours des années 1990, le pays a voulu créer une concurrence dans le secteur des télécommunications dans le cadre de ses efforts continus pour soutenir une économie de marché par le biais d’investissements du secteur privé. Le Maroc a créé l’agence de régulation pour faciliter les investissements privés dans le secteur des télécommunications, fonctionnant comme l’équivalent de la FCC aux États-Unis. M. Terrab fait part des difficultés rencontrées pour recruter un personnel compétent, issu d’une université locale. Son expérience dans le secteur marocain des télécommunications l’a conduit à occuper le poste de spécialiste principal de la réglementation à la Banque mondiale à partir de 2002. Vu le succès de l’ANRT au Maroc, il a cherché à introduire des agences de régulation des télécommunications similaires dans des pays tels que le Sénégal et le Ghana.
Après son passage à la Banque mondiale, M. Terrab a été nommé en 2006 directeur général de l’OCP (connu à l’époque sous le nom d’Office Chérifien des Phosphates), un organisme public déficitaire chargé de l’exploitation des roches phosphatées. Après avoir analysé ses activités, M. Terrab a déterminé que pour devenir rentable, l’OCP devait passer de la vente de phosphate à la production d’engrais – le produit fini. Pour atteindre cet objectif, l’entreprise a été transformée en société en 2008, afin qu’elle puisse fonctionner selon le droit des sociétés et non plus selon le droit administratif. Terrab est devenu le président du conseil d’administration et le directeur général de l’entreprise, tandis que le gouvernement marocain est resté l’actionnaire principal de l’OCP avec 95 % du capital.
M. Terrab poursuit l’interview en expliquant comment l’OCP a développé la capacité de passer d’une société d’extraction de roches à un important producteur d’engrais. En quelques années, il explique comment l’entreprise est passée d’une production de 2 à 3 millions de tonnes d’engrais par an à une production de 12 millions de tonnes par an, et affirme que cette croissance est due en grande partie à la décision d’embaucher massivement entre 2006 et 2015, en mettant l’accent sur l’embauche de jeunes gens qu’ils pouvaient former en interne.
En outre, il a encouragé un changement d’état d’esprit au sein de l’organisation avec une approche axée sur l’esprit d’entreprise. À mesure que la société se développe, M. Terrab décide de se concentrer sur le marché africain des engrais, où il constate que l’utilisation moyenne d’engrais est restée dix fois inférieure à la moyenne mondiale, malgré la nécessité d’augmenter la production agricole pour répondre à la croissance rapide de la population. En collaboration avec des instituts de recherche agronomique locaux, l’entreprise a mis au point des engrais personnalisés adaptés aux conditions environnementales des différentes régions africaines. Il explique comment cette approche de « personnalisation de masse » a permis d’améliorer la productivité tout en étant moins chère et plus respectueuse de l’environnement que les engrais standard. L’attention portée par OCP à l’Afrique n’a fait que croître depuis 2021, lorsque la guerre en Ukraine a entraîné une pénurie d’engrais et des prix plus élevés, inabordables surtout pour les petits exploitants agricoles africains. Pour faire face à cette crise, M. Terrab explique comment l’OCP s’est engagé à répondre à la totalité de la demande africaine si nécessaire – un engagement qui a impliqué des dons ciblés d’engrais personnalisés dans environ 20 pays.
En ce qui concerne l’impact environnemental des activités de l’OCP, M. Terrab précise ses objectifs de neutralité carbone et explique que cela impliquera d’importants investissements dans l’énergie solaire et éolienne afin de décarboniser sa chaîne d’approvisionnement interne. Outre les émissions résultant de la production, M. Terrab évoque l’impact de ses engrais. Il affirme que les engrais personnalisés peuvent non seulement réduire la surutilisation nocive, mais aussi contribuer à la nutrition du sol au point d’augmenter sa capacité à séquestrer le carbone. Se référant à des études estimant que 10 % ou plus des émissions de carbone pourraient être séquestrées dans le sol, il considère cette possibilité comme un moyen « d’harmoniser les ODD (objectifs de développement durable) – réduire la faim et réduire le problème du climat ».
M. Terrab conclut l’entretien en abordant la question de l’éducation, expliquant comment le besoin de l’OCP de former ses employés dans des domaines scientifiques très spécifiques a conduit à la création d’une université d’entreprise à part entière, l’Université polytechnique Mohammed VI (UM6P). Il décrit comment l’université s’est développée pour non seulement bénéficier au programme de recherche de l’OCP, mais aussi pour contribuer à des innovations au service du Maroc et du continent africain en général. M. Terrab estime que l’accent mis sur l’esprit d’entreprise, notamment par des investissements dans un fonds de capital-risque et un incubateur d’entreprises, a incité les enseignants de l’université à créer des start-up et à publier des articles dans des revues à comité de lecture. Il espère que les recherches en cours à l’UM6P, en plus des avancées de son entreprise dans le domaine des engrais personnalisés, permettront à l’OCP de relever le grand défi de la sécurité alimentaire mondiale tout en contrant les effets du changement climatique.
Les vidéos de l’interview par thème, sont accessible via le site web de HBS.
Source : Harvard Business School