Interview avec Faissal Sehbaoui, Directeur Général de AgriEdge, dont il est le fondateur :
-« AgriEdge » vient d’annoncer le développement d’un indice digital d’azote baptisé « N-IndeX », qui promet d’atteindre 21% d’économie d’Azote tout en réalisant 24% de rendement grain supplémentaire, quand est-ce que ces résultats prometteurs vont-ils se concrétiser sur le terrain en grande échelle ?
– Le N-IndeX est le fruit de trois années de recherches appliquées co-menées avec l’Université Mohammed 6 Polytechnique et les Domaines Agricoles. Durant cette période, le développement s’est fortement appuyé sur l’expérience et l’expertise de ces deux grandes institutions dans l’agriculture et l’agritech. La campagne agricole précédente (20/21) était, en fait, l’année durant laquelle ces résultats ont été concrétisés sur le terrain dans des conditions réelles de production.
L’évènement de lancement que nous avons organisé le 16 décembre dernier vise à proposer le N-IndeX à l’ensemble des producteurs de blé afin qu’ils commencent à l’utiliser surtout en cette période où le prix des engrais azotés a enregistré une hausse de +238% par rapport à l’année dernière. Réaliser une économie de 21% d’Azote contribuera considérablement dans la réduction des coûts de production du blé cette année.
– Concrètement, comment cette nouvelle technique de production va-t-elle permettre de rehausser le niveau de production de blé dans notre pays et pourrait-elle devenir un jour un levier pour atteindre l’autosuffisance en termes de production céréalière ?
– Techniquement parlant, à partir des images satellites, N-IndeX estime, pour chaque 10 m² de la parcelle, la quantité d’azote optimale à appliquer en couverture. Autrement dit, chaque zone de la parcelle du blé recevra son besoin exact d’azote tenant compte du développement agronomique de la végétation.
Pratiquement parlant, l’agriculteur nous indique les coordonnées GPS de sa parcelle blé, soit à travers la plateforme digitale de N-IndeX, soit par WhatsApp pour qu’il puisse recevoir deux types de fichiers. Un premier fichier électronique pour son épandeur digital s’il en a et un second fichier PDF simplifié pour une application manuelle. L’on a, en fait, intégré notre expérience terrain pour que l’information soit adaptée à la majorité des agriculteurs marocains. Les résultats obtenus lors de nos tests de validation indiquent qu’on peut atteindre par ce N-IndeX un rendement grain de 24%, cela contribuera naturellement à rehausser le niveau de production.
Avec notre partenaire, nous travaillons en ce moment même sur d’autres types d’indices digitaux avec la volonté de développer un outil digital robuste pour le blé qui contribuera dans les efforts déjà menés par l’écosystème agricole pour atteindre notre autosuffisance en blé.
– En plus de relever le niveau de production des agriculteurs, cette innovation devrait également permettre de gagner en compétitivité, à quel horizon pourrait-on voir son déploiement sur le terrain ?
– Parlant du gain en compétitivité que permet ce nouvel indice digital, avec sa réduction de la facture d’azote de 21%, N-IndeX permet aux producteurs de blé tendre une économie en moyenne de 1700 Dirhams dans chaque tonne d’ammonitrate 33,5, surtout avec la flambée inquiétante de son prix ces derniers mois, qui se situe actuellement autour de 8.250 Dirhams par tonne.
À cela, si on ajoute le gain en rendement de 24%, le coût total de production d’un quintal de blé baissera significativement. Son déploiement sur le terrain est prévu dès cette année chez notre partenaire dans l’ensemble des parcelles de blé. En outre, nous avons avancé avec d’autres producteurs pour l’intégration de ce N-IndeX dans leur pratique agricole.
L’objectif de cette première année de déploiement sur le terrain est de bénéficier de l’intelligence collective de l’écosystème de producteurs de blé afin de faire de cet indice un indice de référence national qu’on peut même exporter à d’autres pays voisins.
– Est-ce que la propriété intellectuelle de cette nouvelle solution appartient à 100 % à « AgriEdge » et est-ce que cela débouchera sur un brevet permettant sa commercialisation à grande échelle ?
– En effet, le N-IndeX est une propriété intellectuelle qu’on commence à commercialiser, à échelle réduite, dès cette année avec un objectif de la commercialiser à grande échelle dès l’année prochaine.
– En à peine trois ans, « AgriEdge » a pu développer cette nouvelle technique qui devrait avoir un impact notable sur le secteur agricole, y a-t-il d’autres projets en cours de finalisation qui puissent impacter de la même manière le quotidien du Fellah marocain ?
– Plusieurs services destinés à aider le Fellah marocain dans sa production aux champs sont désormais disponibles, notamment un service, baptisé CitrusYield, pour la prédiction du rendement des vergers d’agrumes (en particulier les clémentines) avant la saison de récolte, et un autre, baptisé AquaEdge, pour le pilotage de précision de l’irrigation en utilisant des capteurs d’humidité de sol ou des images satellites.
D’autres services sont en cours de finalisation en co-développement avec des partenaires étatiques et industriels et verront le jour en début janvier 2022, notamment un nouvel indice digital se basant sur les images satellites pour le pilotage de l’irrigation et le suivi de l’humidité du sol, et une cartographie digitale des cultures sur base des images satellites pour aider les gestionnaires des réseaux d’irrigation au niveau des bassins hydrauliques à allouer raisonnablement les eaux d’irrigation aux agriculteurs.
– Quels sont les objectifs de croissance d’AgriEdge, et pensez-vous qu’elle pourrait à moyen ou long terme prendre son indépendance du tandem UM6P-OCP?
– AgriEdge est né au sein du Groupe OCP en 2017, grâce à un programme intrapreneurial lancé par le PDG du Groupe, et a grandi au sein de l’UM6P. Ce tandem UM6P-OCP fait d’AgriEdge une expérience unique en son genre. Une expérience qui a fortement bénéficié de l’expertise d’un géant mondial du phosphate et d’une université World Class en termes de recherche appliquée.
Nos objectifs de croissance sont de multiplier notre activité actuelle par 10 d’ici cinq ans, de développer des indices digitaux pour toutes les cultures de souveraineté nationale et des cultures destinées à l’export ainsi que de faire bénéficier les petits agriculteurs marocains de l’ensemble de notre expertise AgriTech et d’exporter éventuellement nos services AgriTech à forte valeur ajoutée à d’autres pays.
– « AgriEdge » est renommée pour son rôle en tant que pourvoyeur de « Know-How » dans le domaine Agri Analytic, notamment via les « Agri Analytics Days », est-ce que cela a pu déboucher sur le transfert de technologies et leur implémentation au niveau du marché marocain ?
– Étant en sa troisième édition, les Agri Analytics Days est une plateforme scientifique dévouée pour assurer un pont de transfert technologique entre les expériences internationales, démontrées à travers les experts internationaux spécialisés en agriculture de précision, et l’écosystème agricole marocain. Notre expérience en tant qu’actionneur de ce transfert technologique démontre que la phase d’adaptation et calibration locale d’une solution importée s’avère incontournable pour résulter en un transfert technologique réussi répondant parfaitement au besoin du marché marocain.
D’ailleurs, nous sommes en pleine préparation de la troisième édition de ce congrès scientifique. Pour cette préparation, nous avons lancé récemment une initiative appelé « AgriTech Innovation Bridge » destinée à connecter l’écosystème AgriTech marocain avec des écosystèmes AgriTech d’autres pays. La première édition a eu lieu le 23 novembre dernier avec une connexion avec l’écosystème israélien, une deuxième édition est prévue en janvier avec l’écosystème brésilien
Source : L’opinion