Evelien Aussems, chercheuse et coordinatrice au PSKW d’une étude pratique sur le ToBRFV – appelée PraKeTo explique les résultats d’une année de recherche. La PSKW « Station de recherche sur la sélection des légumes » est une institution axée sur la recherche, le développement et l’innovation dans le domaine des légumes en Belgique.
Dans le cadre de ce nouveau projet nommé PraKeTo et qui va durer quatre ans, le consortium de recherche tente de répondre à des questions pressantes des producteurs sur le ToBRFV.
Eaux de drainage
Selon la chercheuse, l’un des points centraux de l’étude est la surveillance par les eaux de drainage. L’idée est de pouvoir détecter les virus avant que les symptômes d’infection ne deviennent visibles sur les plantes et les fruits. La prise d’échantillons d’eau de drainage permettrait d’obtenir une meilleure vue d’ensemble que l’échantillonnage par plante. Dans ce cas, il faudrait soit prélever des échantillons sur toutes les plantes, ce qui n’est pas pratique, soit prélever les ‘bonnes’ plantes. Ce n’est pas si facile à déterminer, surtout au début d’une épidémie.
Il serait alors possible de détecter avec succès le virus dans l’eau de drainage chez les producteurs, et bien à temps. Mais qu’advient-il des concentrations de virus dans l’eau de drainage des producteurs dont les plantes sont déjà infectées ?.
Les chercheurs ont donc prélevé des échantillons d’eau de drainage toutes les deux semaines chez les producteurs qui avaient déjà ce virus dans leur serre. Ils l’ont fait après que ces derniers aient nettoyé la serre et, après un certain temps, repris les plantations conformément à toutes les réglementations en vigueur. « Nous voulions avoir une idée de la manière dont la concentration de virus dans l’eau évolue dans une nouvelle culture, avec ou sans nouvelle épidémie. Le virus est effectivement revenu sur certains des sites, tandis que d’autres ont été déclarés exempts de virus par l’Agence fédérale pour la sécurité de la chaîne alimentaire (AFSCA) six mois après la plantation. »
Cette étude a montré que des résidus de virus peuvent rester dans l’eau de drainage. « Il est donc important de ne pas tirer de conclusions sur la base d’un seul échantillon d’eau. Il faut suivre l’évolution des concentrations de virus sur une plus longue période », explique Evelien.
Le projet B2B, qui signifie (« Contrôle du ToBRFV dans les exploitations de tomates belges »), permet aux chercheurs d’effectuer des recherches supplémentaires. L’un des objectifs de cette étude en cours est de pouvoir distinguer les virus inactifs des virus actifs (infectieux). « Nous avons appris que, après une épidémie, ce virus est présent partout. Il s’agit probablement en grande partie de résidus qui ne sont plus infectieux. La clarté à ce sujet peut donner aux producteurs un peu plus de tranquillité d’esprit. »
Les chercheurs vont également essayer de « mieux connaître le virus », déclare M. Aussems. « Nous voulons utiliser la surveillance dans les exploitations pour cartographier l’expression des symptômes, déterminer la période d’incubation et en savoir plus sur la propagation du virus. Avec un nouveau virus, il y a toujours beaucoup à apprendre. »
Désinfection des téléphones portables
Les téléphones portables ont constitué un deuxième axe majeur du projet PraKeTo. Le ToBRFV est connu pour être très tenace et peut survivre longtemps sur les surfaces. On pense donc qu’il peut aussi se trouver sur les téléphones, d’où la nécessité de rechercher des méthodes de décontamination.
« Nous avons fait des recherches sur la décontamination par UV. Nous en avons eu l’idée lors d’une expérience. Dans celle-ci, nous avons touché avec nos mains une plante infectée par le ToBRFV, puis nous avons envoyé un message sur nos téléphones portables. Nous avons ensuite vérifié la quantité de virus présente sur le téléphone. Nous avons été choqués de voir les niveaux très élevés de concentration de virus », admet M. Evelien.
La recherche d’un moyen de désinfecter les téléphones portables a donc commencé. Une société américaine, PhoneSoap, avait mis au point une technique à cet effet. la chercheuse la décrit comme « une boîte dans laquelle vous placez votre téléphone, où il est frappé, de tous côtés, par une lumière UV. Après 15 minutes d’exposition, le téléphone était exempt de virus ». Les producteurs ont trouvé que c’était trop long et ont donc demandé d’essayer aussi des expositions plus courtes. « Cependant, cinq minutes d’exposition et de désinfection se sont avérées trop courtes ».
La meilleure solution serait de ne pas laisser son téléphone portable dans la serre, souligne la chercheuse ou alors les désinfecter avec les rayons UV.
Le lait en poudre
Les chercheurs ont constaté que la désinfection des mains est un sujet récurrent chez les producteurs. Ils ont étudié le lait en poudre comme désinfectant pour les mains.
Ils ont testé, par exemple, du lait en poudre écrémé provenant du supermarché local. « Nous avons trempé nos mains dans une solution de lait en poudre à 5%. Après un seul trempage, nous avons essayé de réinfecter une plante, et le lait en poudre semble bien fonctionner. » Mais ce n’est pas aussi simple que cela, et Evelien met en garde contre les conclusions rapides.
Le lait en poudre encapsule (temporairement) le virus mais ne le décompose pas. « Au bout d’un certain temps, surtout à 15 immersions, le lait en poudre regorgeait de concentrations de virus », explique-t-elle. Les chercheurs conseillent donc aux producteurs de remplacer très régulièrement le lait en poudre. « Sinon, il devient lui même une source importante de contamination ».
Perspectives d’avenir
Le nouveau projet, d’une durée de quatre ans, se compose de cinq « work packages ». En outre, la nouvelle étude cherche explicitement à établir des liens avec d’autres institutions de recherche nationale et internationale effectuant des investigations sur le ToBRFV. Les chercheurs et les producteurs, devront examiner l’orientation de l’étude deux fois par an.
Un autre volet du travail de recherche serait d’augmenter les connaissances sur le ToBRFV, sa propagation, les symptômes, la période d’incubation, etc. L’utilisation des échantillons d’eau de drainage comme système d’alerte précoce. Seront également examinés, les voies d’entrée, la désinfection, la résistance des plantes et les variétés résistantes. L’aleurode ou le Macrolophus peuvent-ils jouer un rôle dans la propagation ? Et les mauvaises herbes ? De nouveaux désinfectants seront étudiés, ainsi que les nouvelles variétés résistantes sur le marché. Un autre volet de travail se concentre sur l’élimination du ToBRFV et l’effet du contrôle du climat et de la gestion des cultures. Le dernier aspect qui sera étudié sera la validation d’une approche intégrée.
Source : Hortidaily